Enseigner une histoire militaire de la Première Guerre Mondiale : manuels et enseignants face aux programmes actuels

En rupture avec les programmes antérieurs, les programmes de 1ère Générale actuels enjoignent l’enseignement d’une histoire militaire de la Première Guerre Mondiale. Nous analysons la façon dont manuels et enseignants mettent en œuvre ce changement.

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Conformément aux changements d’orientation de la recherche en Histoire, marquée notamment par le renoncement au roman national et l’influence de l’école des Annales, l’histoire enseignée a, depuis les années 1960-70, tourné le dos à une « Histoire bataille », et à une histoire des opérations militaires elles-mêmes. Les programmes de Première Générale entrés en vigueur en 2019 constituent une rupture, sous la forme d’un retour à une histoire militaire de la guerre. Ils établissent notamment l’obligation pour les professeurs d’enseigner quatre « Points de passage et d’ouverture » sur des batailles précises (la Marne, les Dardanelles…). L’étude des manuels publiés après 2019 établit les difficultés qu’ont eues les rédacteurs à donner du sens au programme et aux batailles citées. Elle montre également que cette orientation a entrainé un retour discret mais bien réel d’éléments du roman national traditionnel : la Première Guerre Mondiale redevient la lutte du poilu français contre l’aristocrate allemand ; les articles de presse d’époque sont essentiellement français, et les questions proposées par les manuels orientent les élèves vers des prélèvements d’information qui ne permettent pas de mettre à distance leur contenu et de comprendre qu’ils expriment un point de vue nationaliste. Ce changement de programme a également comme conséquence de reconstruire une histoire « par le haut » : elle évacue très largement de la guerre le peuple, ses souffrances et résistances, au profit de l’étude de cartes de batailles et de témoignages d’Officiers généraux qui portent sur des considérations stratégiques ou tactiques – ainsi que les programmes le demandent. Les premiers sondages effectués auprès d’enseignants du secondaire tendraient à montrer qu’ils peinent à trouver du sens et de l’intérêt aux batailles à enseigner, et usent de stratégies diverses (exposés d’élèves, visionnage de fims documentaires, etc.) pour faire face à leur caractère répétitif et à la difficulté qu’ils rencontrent à leur donner un sens historique qui les intègre au récit de la guerre - voire pour en contourner l’enseignement. Nous nous proposons d’enquêter sur ces difficultés et stratégies.