Santé et performance au cœur de la mêlée dans le rugby à XV. Expériences corporelles, normes propres et sensibilités des joueurs de première ligne

Sous la direction de Michel Récopé et Géraldine Rix-Lièvre


Soutenance

Le 26 novembre 2012 à Clermont-Ferrand, devant le jury composé de : 

  • Daniel BOUTHIER, Professeur, STAPS, Université Montesquieu, Bordeaux IV (Rapporteur)
  • Ghislain CARLIER, Professeur, Sciences du Sport, Université de Louvain la neuve, Belgique (Rapporteur)
  • Alain MOUCHET, Maître de conférences, STAPS, Université Paris Est Créteil Val de Marne
  • Michel RECOPE, Maître de conférences-HDR, STAPS, Université Blaise Pascal, Clermont II (Co-directeur)
  • Didier RETIERE, Membre de la Direction Technique Nationale de la Fédération Française de Rugby
  • Géraldine RIX-LIEVRE, Maître de conférences-HDR, STAPS, Université Blaise Pascal, Clermont II (Co-directrice)


Résumé

Que se passe-t-il au cœur de la mêlée ? Si cette question se pose au néophyte, elle fait aussi débat au sein des institutions. Il s’agit à la fois de garantir la sécurité du joueur et d’assurer les conditions d’une mêlée performante. Notre questionnement est issu de notre pratique de joueuse de première ligne. La mêlée s’est avérée à la fois source de satisfaction et de douleur, de plaisir de l’impact et de peur de la blessure… ces ressentis évoluant au fur et à mesure de l’expérience construite. Si différentes recherches étudient la mêlée, les développements scientifiques se focalisent sur des facteurs anatomiques et biomécaniques de la blessure. En écho avec des préoccupations de la Fédération Française de Rugby, nous proposons une autre approche plaçant au centre le point de vue du joueur et ses pratiques effectives en mêlée. Une étude exploratoire menée auprès de cinq experts nous a permis d’entrevoir différentes conceptions de la performance en mêlée et d’envisager, au moins dans le discours, plusieurs modalités de pratique. S’est alors posée la question de la diversité des pratiques effectives et de ce qui les organise. Nous avons donc étudié ce qui se joue en mêlée pour un joueur de première ligne. Nous nous inscrivons dans une perspective énactive qui considère la vie, selon un processus d’autopoïèse, en tant qu’auto production et auto affirmation d’une identité produisant, par ses interactions, un soi cognitif et son monde adéquat. L’humain est considéré comme un complexe de micro-identités construites au sein de contextes socioculturels. Une philosophie des normes et des valeurs s’est avérée nécessaire pour envisager la manière dont s’expriment ces micro-identités et selon laquelle elles organisent les pratiques. Ceci nous a conduite à l’hypothèse d’une sensibilité à en tant que sens structurant, c’est-à-dire l’existence d’une norme prévalente assurant une orientation d’ensemble dominant les actes et les organisant à partir d’une valeur directrice. Pour documenter le sens de l’expérience, nous avons investigué la signification incarnée à partir de matériaux d’observation et d’entretiens d’autoconfrontation et en re-situ subjectif. Dix joueurs ont volontairement participé à l’étude : un d’entre eux évoluait en Fédérale 2 (catégorie C), les autres en Espoirs, Fédérale 1, Pro D2, Top 14 ou Top 10 (catégorie A). Nous avons identifié chez les joueurs de première ligne différentes sensibilités à : sensibilité à l’impact, au gain du ballon, à l’arbitrage de la mêlée, au duel individuel ou collectif, au fait d’avancer/ne pas reculer. Ainsi, plusieurs micro-mondes de pratique ont été mis à jour, révélant différentes modalités de la performance en mêlée. Ces dernières se sont parfois avérées en tension avec les attentes de l’entraîneur pour un poste donné et avec des consignes et exigences de sécurité. Ce travail a aussi permis de mettre à jour la complexité des jeux de norme. En effet, chez tous les joueurs, les normes qui organisent leur activité au cours de la mêlée sont plurielles, voire en débat : des normes plus contingentes ont été repérées. Enfin, une même sensibilité à particulière peut être de différentes natures : vitale, de devoir social ou d’exécution. En esquissant différentes sensibilités à, nos travaux proposent une nouvelle typologie des joueurs à risques et enrichissent les perspectives de prévention des blessures en mêlée. Les joueurs ayant des facteurs de risque importants paraissent être ceux pour qui la norme prévalente revêt un enjeu de viabilité identitaire ; ils prennent alors « inconsidérément » des risques démesurés pour leur intégrité physique ou celle des partenaires et adversaires, car leur micro-monde s’organise autour d’autres préoccupations qui font que ces risques restent largement inaperçus.