Transition de rôle chez les infirmières en pratique avancée

Le métier d’infirmière en pratique avancée est une profession émergente. Titulaires d’un diplôme d’Etat conférant un grade master, les infirmiers certifiés dans un domaine de soins spécifiques, disposent de compétences élargies au domaine médical avec l’octroi d’une prérogative de prescription. Dans cet entre-deux, la transition entre infirmière et infirmière en pratique avancée s’inscrit dans un contexte personnel, professionnel, situationnel et institutionnel complexe, parfois soutenant, parfois incapacitant, voire hostile. Comment s’opère cette transition de rôle ?

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Présentation


Endosser un nouveau rôle dans une carrière professionnelle est un processus souvent complexe. Ce l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit d’accéder à un métier émergent, où les modèles de rôle n’existent pas. La profession d’infirmier en pratique avancée est autorisée en France depuis la parution des textes règlementaires en 2018, sous réserve d’obtenir un diplôme d’Etat conférant un grade master après deux ans de formation. Pour ces infirmiers en reprise d’étude, il s’agit aussi de passer d’un statut d’infirmier confirmé, voire expert, à celui de novice dans une profession qui s’installe. C’est aussi entrer dans un métier à fort enjeu, la pratique avancée ayant été annoncée comme pouvant répondre à de nombreux besoins et manques (complexification des parcours de soins dans le cadre des maladies chroniques, accès aux soins dans un contexte de pénurie médicale, etc.).
Si la pratique avancée représente pour les infirmiers une opportunité d’évolution de carrière, cette transition est probablement un processus tumultueux et coûteux, en particulier pour deux raisons. La première est en lien avec des responsabilités élargies dans le suivi des patients (prescription, prise de décision) qui peut générer une insécurité et un sentiment d’incompétence. La seconde vient des difficultés à l’implantation et de la méconnaissance du métier par les autres professionnels, les patients et la société, ce qui produit des représentations erronées, voire de la méfiance. Les attentes institutionnelles sont fortes (exigences d’efficacité pour « libérer du temps médical »), mais aussi réticences du corps médical (crainte d’une médecine « au rabais »), voire concurrence avec les anciens pairs sur des missions spécifiques que ces derniers craindraient de perdre (consultation, éducation thérapeutique).
Il s’agit probablement de se forger une identité professionnelle nouvelle afin de se distinguer clairement de son ancien rôle, pour soi et pour les autres, alors même que ces professionnels reviennent exercer dans leur milieu d’origine. Enfin, cette transition professionnelle a sans doute un impact sur la vie personnelle.
Comment ces professionnels composent-ils avec ces différents enjeux ? Comment s’opère cette transition de rôle ? Quelles sont les conditions dans lesquelles ces transitions se produisent et qu’est-ce qui signe une transition « réussie » ou non ? Enfin, quel sens a cette transition pour ces professionnels ?
Notre objectif est d’explorer le processus de transition des infirmiers en pratique avancée au cours des premières années de leur exercice.
Ce volet qualitatif sera complété par un volet quantitatif, consistant en un suivi de cohortes, dont l’objectif est de décrire le devenir professionnel des deux premières promotions d’IPA formés en région AuRA (n=80). Cette étude exploratoire, en cours, permettra d’élaborer un panorama de leurs modalités et conditions d’exercice.


En savoir plus

Cadre(s) théorique(s) / Méthode(s) / Méthodologie(s)

Le cadre théorique mobilisé utilisera la théorie de moyenne portée de I.A. Meleis (2000) : la théorie de la transition. Il permettra de repérer la nature des transitions (mode, propriétés), les conditions des transitions (facteurs facilitateurs et inhibiteurs, personnels et environnementaux) et les indices de processus et de résolution des transitions. Il donnera un ancrage dans la discipline sciences infirmières à cette étude.
L’ouvrage de I. Olry-Louis et C. Arnoux-Nicolas (« Le sens des transitions et des bifurcations professionnelles ») apportera un éclairage conceptuel complémentaire par les apports de la psychologie sociale et de la sociologie des professions.
Une approche qualitative sera utilisée, via des entretiens semi-directifs et/ou des entretiens biographiques. Ces investigations pourraient être complétées par des focus groups et peut-être des journaux de bord, dans une perspective de triangulation des méthodes.
Les sujets inclus seront IPA et exerceront en pratique avancée depuis au moins deux ans.